Explosion dans une fabrique de feux d’artifice : ensemble, bureaucrates locaux et cadres de l’usine annoncent 1 mort. Ils ont caché les cadavres de 12 autres victimes !
Editorial
Chen Weixiang libéré ! China Labour Bulletin indique le 3 janvier à propos du militant dont avons signalé l’arrestation dans notre précédente « Lettre » : « Le militant ouvrier Chen Weixiang et ses deux collègues ont été libérés après 15 jours passés en détention administrative. Ils avaient été emmenés par la police dans la ville méridionale de Guangzhou le 17 décembre de l’année dernière. Après sa libération, Chen a remercié ses partisans et a exhorté tout le monde à ne pas oublier les nombreux militants syndicaux et autres qui sont toujours en détention ». Trois jours avant son arrestation, Chen avait publié un article sur le blog qu’il avait consacré aux balayeurs et autres agents du nettoyage urbain de Guangzhou, article où il informait que la ville devait 1,8 million de yuans à 130 de ces agents dans le quartier de l’université (à peu près 7 mois de salaire à chacun !).
Sans doute cette arrestation se voulait-elle un avertissement clair des autorités pour tenter de mettre un coup d’arrêt aux revendications et manifestations ou grèves de ces ouvriers du bas de l’échelle qui nettoient les rues de la ville, souvent migrants et âgés, qui se sont battus et ont gagné des augmentations de salaires et des régularisation de contrats de travail, alors que le coût de la vie ne cesse d’augmenter.
Défendre les intérêts des travailleurs les plus défavorisés. Chen Weixiang était étudiant en médecine à l’Université Sun Yat-sen de Guangzhou quand il s’est mis à interroger les ouvriers qui s’occupaient de la propreté et de la salubrité du campus. Il a commencé à rapporter ces interviews qui illustraient leurs mauvaises conditions de travail et leur maigre rémunération. Puis il a ouvert un blog à propos de leur condition et même abandonné ses études médicales pour s’engager à plein temps dans le militantisme en 2014. Avec succès puisqu’il a aidé ces travailleurs à arracher récemment un salaire mensuel de 2500 yuans, bien au-delà du salaire minimum de la ville, selon Yu Wucang, un de ces agents de la propreté qui a fait campagne aux côtés de Chen.
Ces derniers mois, en voyant des défenseurs des droits ouvriers disparaître un par un, Yu Wucang avait mis en garde Chen Weixiang, qui lui avait avoué que la police le convoquait souvent pour des entretiens… Mais Chen avait quand même publié sur son site les revendications des 130 balayeurs sur leurs arriérés de salaire. Trois jours plus tard, il était interpellé à son domicile et embarqué dans un van par une dizaine de policiers, selon un témoin. « Dans le sud de la Chine, ils enferment tout le monde », dit son ami Yu, selon un reportage du quotidien américain « The Washington Post » (24 décembre 2019).
Pourquoi ces arrestations de militants ouvriers ? Cité dans cet article, Li Qiang, fondateur de China Labor Watch, estime que le gouvernement juge « les conflits du travail comme un four où tout peut s’embraser à tout moment ». Et ce qui autrefois était toléré par les autorités est désormais interdit : « Ce que faisait Chen était considéré comme normal en Chine, même dans les premières années de l’administration Xi Jinping », a déclaré Elaine Hui, une universitaire. Mais aujourd’hui cette latitude n’est plus de mise !
Le pays est confronté à des vents contraires au plan économique – le ralentissement voire la récession de certains pays importateurs de produits chinois, la guerre commerciale entreprise par Washington, l’essoufflement de la relance par la consommation sans parler des masses de capitaux enflant sans cesse – et au plan politique à une incertitude permanente des hauts cadres menacés du couperet de la lutte anti-corruption. Cela fait beaucoup !
Et si les villes et provinces devaient choisir de geler les salaires encore davantage afin de maintenir leur compétitivité économique face à l’incertitude, si elles devaient voir s’accroître les fermetures d’entreprises, nul ne sait si le four ne s’embraserait pas ! Voilà pourquoi les cercles dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) appellent à un « degré élevé de vigilance » à propos des défis politiques et économiques, Wang Huning, numéro 5 du PCC, rappelant aux cadres la nécessité de « désamorcer les risques majeurs » qui pourraient saper le Parti.
Et que, dans ces circonstances, des dizaines d’étudiants de Fudan, une prestigieuse université de Shanghai, manifestent debout à la cantine le 17 décembre en chantant leur hymne en faveur de la « pensée libre » et de la « gestion démocratique » contre les nouveaux statuts imposés par le régime n’est pas fait pour rassurer les bureaucrates oppresseurs…
1 million de manifestants à Hong Kong le 1er janvier. Carrie Lam, la cheffe du gouvernement se refuse toujours à céder sur les « cinq revendications, pas une de moins », mais des craquements surviennent. Ainsi, Regina Ip, membre du gouvernement, a révélé le 29 décembre que des membres du gouvernement avaient envisagé de « démissionner en masse si ça pouvait sauver la situation » mais que Carrie Lam avait refusé indiquant que « si quelqu’un devait être tenu pour responsable, les membres du conseil exécutif ne seraient pas les premiers ». Qui alors ? Elle ou le représentant direct de Pékin dans les affaires hongkongaises ?
Cette mobilisation populaire inédite a accouché d’un phénomène relevé dans deux articles du « South China Morning Post » : au moins 24 syndicats ont vu le jour à Hong Kong cette année, selon des chiffres officiels (voir au verso). Un responsable de la confédération HKCTU, seul syndicat chinois indépendant, l’affirme : « Le tsunami politique a tout changé. Beaucoup de gens se sont lancés dans la constitution de syndicats ».
Avec ce tsunami, la Fédération des syndicats « officiels » HKFTU à Hong Kong, imbriquée dans l’appareil institutionnel, avec son engagement aux côtés du pouvoir, par exemple en organisant cet été des meetings de solidarité avec… la police ! en a récolté les fruits : les candidats de la HKFTU qui se sont présentés aux suffrages des citoyens lors des récentes élections de conseils de district ont été battus à plate couture : 62 candidats et seulement 5 sièges sur 452 !
Dans notre prochaine « Lettre », nous continuerons la publication des noms de ces militants ouvriers dont on est toujours sans nouvelles. Aidez cette « Lettre « en la faisant connaître et soutenez-la car les tarifs postaux de presse augmentent au 1er janvier 2020 !
Essor du syndicalisme à Hong Kong
Au moins 24 syndicats se sont constitués cette année
« South China Morning Post », 26 décembre 2019 (extraits)
« Le mois dernier, Tsui est devenu le premier président du Syndicat des employés de l’hôtellerie de Hong Kong qu’il a fondé avec des dizaines de collègues du secteur. (…) Le syndicat de Tsui est l’un des nombreux syndicats que les Hongkongais ont mis sur pied alors que les manifestations sont dans leur septième mois, beaucoup espérant augmenter la pression sur le gouvernement en organisant des grèves à grande échelle. (…)
A ce jour, au moins 24 syndicats ont été constitués cette année – près du double des 13 créés en 2018, selon les chiffres du Département du travail. On relève notamment le Syndicat des employés et cadres de l’électricité de Hong Kong, le Syndicat de la construction, le Syndicat général des employés d’ingénierie, le Syndicat des travailleurs des technologies de l’information et l’Alliance des employés de l’administration des hôpitaux.
Des dizaines d’autres syndicats d’un large éventail d’industries, y compris l’optométrie, les soins dentaires, les barmen et même les esthéticiennes, sont en passe de voir le jour. Tsui a déclaré que ces nouveaux groupes avaient travaillé en étroite collaboration les uns avec les autres et espéraient changer la perception des Hongkongais à l’égard des syndicats.
« Nous voulons introduire une nouvelle culture selon laquelle les syndicats ne se limitent pas aux droits du travail – ils pourraient également renforcer la voix des travailleurs face aux autorités », a déclaré Tsui. (…)
« Le tsunami politique a tout changé »
Stanley Tsang, vice-président du Syndicat des employés de l’hôtellerie, a déclaré que même si les habitants de la ville étaient devenus plus actifs dans les manifestations au cours des derniers mois, il était peu probable qu’une grève puissante se produise à court terme. Davantage de préparation est nécessaire, a déclaré ce travailleur des ventes et du marketing, âgé de 31 ans, ajoutant que son syndicat avait recruté quelque 130 membres en un mois dans un secteur estimé à 40 000 travailleurs et qui a déjà un syndicat affilié à la Fédération des syndicats [NdT : la HKFTU, syndicat lié au pouvoir].
(…) Le syndicaliste vétéran Mung Siu-tat, de la Confédération des syndicats pro-démocratie de Hong Kong [NdT : la HKCTU], a déclaré que le groupe avait offert de l’aide et des conseils à des travailleurs de près de 50 professions et a qualifié le phénomène d‘« éveil politique dans toute la ville ». Il déclare que l’appel de sa confédération à la création de syndicats n’avait jamais été très populaire à Hong Kong, car beaucoup de gens pensaient que de telles organisations étaient réservées aux cols bleus pour gérer les conflits avec les employeurs. « Mais le tsunami politique a tout changé, a déclaré Mung. Beaucoup de gens qui se sont lancés dans la constitution de syndicats sont en fait des salariés qualifiés.»
« South China Morning Post », 12 décembre 2019 (extraits)
« Manifestations à Hong Kong : 1800 personnes, des syndicalistes et des militants du secteur de la santé, se sont rassemblées à Edinburgh Place, pour encourager les Hongkongais à créer de nouveaux syndicats pour faire pression sur le gouvernement, déjà écrasé par les protestations déclenchées il y a six mois par le projet de loi d’extradition maintenant retiré. Un porte-parole des organisateurs du rassemblement, infirmier dans un hôpital public, Law Cheuk-yiu, a déclaré: « Si nous nous unissons, nous deviendrons plus forts. Avec cette force, nos actions auront un impact et notre voix sera entendue. Et nous pourrons résister plus fermement à la répression du gouvernement. (…) Nous espérons pouvoir créer des syndicats dans les différentes disciplines du secteur, afin de pouvoir planifier nos actions futures, y compris d’éventuelles grèves.»
« Un canal pour lutter pour leurs droits et avantages »
(…) Carol Ng Man-yee, syndicaliste chevronnée et présidente de la Confédération des syndicats pro-démocratie [NdT : la HKCTU], a déclaré : «Plus nous créerons de syndicats, mieux les métiers seront couverts et représentés. En outre, notre résistance peut être plus viable », a-t-elle déclaré. L’un des nouveaux syndicats formés mercredi était issu du secteur des industries de la pharmacie et des appareils médicaux. L’un des organisateurs, Tsang, 27 ans, a déclaré que les troubles qui s’étalaient sur plusieurs mois l’avaient incité à s’inscrire auprès d’un syndicat. « Il y avait eu des appels à la grève générale depuis juin. Mais beaucoup craignaient des représailles et d’en subir des conséquences. Par conséquent, nous espérons en formant ce syndicat que ceux de notre secteur trouveront un canal pour exprimer leur opinion et lutter pour leurs droits et avantages», dit-il. Une infirmière d’un hôpital public avec plus de vingt ans d’ancienneté a déclaré que le syndicat actuel des infirmières avait joué un rôle relativement passif ou fut « quasiment absent » au cours des six derniers mois de manifestations pour lutter pour les droits des patients et du personnel, ce qui l’a incitée à rejoindre activement les syndicats nouvellement formés pour faire entendre d’autres points de vue.
Harcèlements, interpellations et arrestations incessants
A Hong Kong, au moins 80 enseignants ont été arrêtés lors des manifestations anti-gouvernementales, comme l’a révélé le ministre de l’Education, qui a exhorté les établissements à suspendre les enseignants arrêtés pour des délits graves. 123 plaintes contre des enseignants ont été déposées liées aux protestations entre la mi-juin et la fin novembre, selon la presse hongkongaise. Le vice-président du Syndicat des enseignants professionnels de la HKCTU a condamné ces plaintes : « C’est totalement inacceptable. Le ministre devrait indiquer clairement quels mots ou discours constitueraient un discours de haine, par exemple qualifier les manifestants de “cafards” ? »
Sur le continent, Chinese Human Rights Defenders informe que la police a interpellé ou arrêté une dizaine de militants et d’avocats (sept ont été relâchés) dans six provinces différentes à la suite d’un dîner commun lors d’une soirée privée le 13 décembre. Parmi eux : Ding Jiaxi, 52 ans, avocat radié, ancien prisonnier d’opinion et résident de Pékin, a été arrêté le 26 décembre à Pékin par la police de Shangdong. La police a fouillé son domicile, a emporté son ordinateur, son téléphone et d’autres effets personnels, sans présenter de mandat d’arrêt. Zhang Zhongshun, 52 ans, ancien prisonnier d’opinion, professeur d’université et résident de Yantai, Shandong, a été arrêté le 26 décembre par la police du Shandong, soupçonné de «subversion du pouvoir de l’État». Il aurait été placé en «résidence surveillée dans un endroit [inconnu] désigné par la police» quelque part à Yantai.
Dai Zhenya, 46 ans, activiste et résident du Fujian, a été arrêté le 26 décembre à Xiamen par la police du Shandong, soupçonné « d’incitation à la subversion du pouvoir de l’Etat ». Il aurait été placé en «résidence surveillée dans un endroit [inconnu] désigné par la police». Li Yingjun, 35 ans, militante, ouvrière d’usine et résidente de Zhangzhou, Fujian, a été arrêtée le 26 décembre au Fujian par la police du Shandong. Huang Zhiqiang, 47 ans, avocat, a été arrêté le 29 décembre à Jinhua, dans le Zhejiang, et est actuellement détenu au criminel, soupçonné de provoquer « des dissensions et des troubles ». Il est au centre de détention de Jinhua. Au Sichuan, la police a arrêté le militant Wei Xiaobing le 30 décembre. Homme d’affaires, il a récemment été brièvement détenu en raison de la distribution de T-shirts imprimés avec des mots exprimant son soutien aux manifestations de Hong Kong.
Plusieurs personnes ont été arrêtées pour interrogatoire puis relâchées. Ainsi de Liu Shuqing, avocat, professeur d’université, à Jinan pour interrogatoire le 31 décembre, soupçonné de «subversion du pouvoir de l’État». Le 1er janvier, M. Liu a été autorisé à rentrer chez lui. La police a emmené cinq personnes au poste de police de Jinhua pour les interroger à Hangzhou le 29 décembre: Zhu Yufu, Xin Zhongcheng, Wu Zexi, Mao Lijun et Tang Xiaoyun. Après avoir été interrogés pendant une journée, ils ont été autorisés à rentrer chez eux.