Lettre n°590, 1er janvier 2023

INFORMATION

Répression… Les autorités du Guangdong disent relâcher sous caution les personnes arrêtées depuis trente jours dans les manifestations de fin novembre dans l’attente de leur procès. Mais Yang Zijing, arrêtée le 4 décembre à Guangzhou, n’a pas réapparu, selon sa mère. C’est aussi le cas de jeunes arrêtés à Pékin et à Shanghai.

ÉDITORIAL

Le chaos après la panique. Trois semaines après sa décision d’abandonner bruta­lement la politique du « zéro-Covid », le pouvoir constate qu’il a semé un véritable chaos : les centres de tests ont disparu des rues et des quartiers, les hôpitaux sont engorgés par les malades et les urgences débordées, le nombre des décès explose, à voir les funérariums surchargés avec des jours d’attente avant l’incinération des défunts. Désormais, c’est la course au rappel de vaccination, aux médicaments, la file d’attente interminable devant les cliniques pour les tests antigéniques…

Car le virus s’est diffusé à grande vitesse parmi une population qui n’est que très peu immunisée. Plusieurs hôpi­taux de Pékin ont ainsi vu beaucoup de médecins et de personnels soignants frappés par le virus ; en province aussi le personnel de santé est touché : un médecin estime que 20 % du personnel médical de son hôpital a été infecté et que ce pourcentage atteint 50 % dans les « cliniques de la fièvre » et le service des urgences. Les plus sombres scénarios prédisent 1 million de décès d’ici à fin janvier, alors que les officiels en sont tou­jours à comptabiliser 5 246 morts depuis le début de l’épidémie…

Tout manque ! Officiellement, au 20 décembre, 37 millions de personnes étaient testées positives chaque jour et 250 millions avaient été contaminées. Dans la seule province du Zhejiang, 1 million de nouveaux cas apparais­saient chaque jour ! Les pharmacies se retrouvent à court de médicaments contre la fièvre, car les fabricants manquent de personnels à cause des malades ; les sociétés de livraison pour les envois d’urgence de médicaments et produits de première nécessité sont elles-mêmes à court de livreurs…

Dans les grandes villes, on fait appel à des coursiers et livreurs des provinces : des milliers de coursiers de JD.com, STO Express et SF Express ont ainsi été trans­férés à Pékin mais YTO Express a déclaré être confronté à une pénurie de main-d’œuvre, malgré le doublement des salaires.

Le Premier ministre Li Keqiang a appelé en ce début d’année à « prendre des mesures plus énergiques pour assurer l›approvisionnement et la stabilité des prix des produits de première nécessité, des produits médicaux et de l›énergie », signe de l’impréparation des autorités face à l’abandon du « zéro-Covid ». La sinologue Marie Holzman constate : « C’est une véritable débâcle. Rien n’est préparé, ni les médias, ni les consignes, ni la stratégie. »

Ceux qui prétendent tout diriger. L’offre, la demande et l’emploi du secteur manu­facturier ont encore ralenti en décembre, et l’emploi s’est contracté pour le neu­vième mois consécutif, sans aucun signe de reprise, indique la revue « Caixin » (3 janvier). Les chiffres du Bureau d’État des statistiques le confirment : les 31 plus grandes villes ont enregistré un taux de chômage de 6,7 % en novembre et, parmi les travailleurs âgés de 16 à 24 ans, 17,1 % étaient au chômage.

Voilà un pays où les secteurs clés de l’économie, les banques, le crédit, sont entre les mains de l’État et où ceux qui le dirigent sont incapables d’enrayer une épidémie et le chômage ! Par exemple, il y a aujourd’hui de moins en moins de sites de tests. Alors, que vont devenir les millions de travailleurs médicaux, tech­niciens de laboratoire, personnels tem­poraires et vigiles qui faisaient partie du système de tests de masse ?

Grève et manifestations des chauffeurs. Les patrons n’ont pas renoncé à licencier et à réduire les coûts, pas seulement chez les livreurs : ByteDance, la société mère de TikTok, a licencié des centaines d’employés à la fin de 2022, rapporte Reu­ters (3 janvier). Le géant des téléphones Xiaomi avait déjà commencé à licencier 10 % ses effectifs, soit plus de 35 000 en Chine (Reuters, 20 décembre).

Mais les travailleurs, eux, n’ont pas renoncé à défendre leurs intérêts en ces temps très difficiles : 1 700 incidents, pro­testations, grèves, manifestations dans les six derniers mois relevés par « China Labour Bulletin ». On l’a vu lorsque Fox­conn a tenté de les gruger, mais aussi quelques jours auparavant lorsque des milliers de chauffeurs de camion et four­gonnette avaient entrepris de se mettre en grève. Coordonnant leurs efforts à tra­vers le pays (voir au verso), tout comme avaient procédé les grévistes du promo­teur immobilier Evergrande et les livreurs de repas, les chauffeurs avaient rassemblé une telle force qu’ils ont manifesté dans plusieurs villes. Et que le ministre des Transports a même dû intervenir…

À qui le pouvoir de décider ? Il était de la responsabilité du gouvernement et de diverses autorités publiques d’assurer la distribution des médicaments, des denrées et des articles pour la vie quotidienne des ménages. Mais, écrivent des militants, « derrière l’interdiction faite aux livreurs de retourner chez eux se cachent le renoncement des pouvoirs publics à assumer leurs obligations et l’exploita­tion de ces livreurs ». Qui a le pouvoir de décider, sinon ceux qui qui monopolisent le pouvoir politique par la répression ? Et avec cette nouvelle poli­tique sanitaire, ils montrent leur incapa­cité à répondre aux besoins de la popula­tion en hôpitaux, personnels soignants et équipements sanitaires.

La sinologue Chloé Froissart explique qu’« il y a une fragilisation du parti et du régime, une coupure entre le pays réel et les hautes sphères du parti. Il y a une fuite en avant. Le parti ne se soucie plus des besoins de la population » (conférence Inalco, 16 novembre). Nul ne peut dire ce qui se passera lorsque des millions de voyageurs auront retrouvé leur famille pour le nouvel an, dans trois semaines.

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DOCUMENTS

« Qui peut circuler ? C’est la production pour les capitalistes qui décide »

Nous publions ici la première partie de cette contribution de militants chinois qui vise à tirer les leçons des événements de l’année passée.

À la fin de 2022, la politique du « zéro-Covid », qui avait duré près de trois ans dans le pays, a pris fin. Les trois années de janvier 2020 à décembre 2022 ont été une période de souffrances et de tragédies en raison de la politique inhumaine de prévention et de contrôle. Si ce changement de politique peut offrir un répit temporaire aux opprimés, cette « liberté » ne promet pourtant pas un retour à une société pré­tendument « normale ».

La mobilité contrôlée ou l’exploitation pendant l’épidémie

Le contrôle de l’épidémie passe en fait par le contrôle de la mobilité des personnes : l’État choisit de restreindre la circulation des personnes pour limiter la circulation du virus, mais afin de maintenir la production économique, l’État veut assurer la « mobilité économique ». Ainsi, le système de « contrôle normalisé » n’autorise que les mouvements contrôlés et surveillés qui contribuent à la production, tout en excluant, autant que possible, les autres mouvements dits « non essentiels », au nom de la protection de la santé des personnes. Mais qui a le pouvoir de décider quels mouvements sont nécessaires et lesquels constituent une menace pour la santé et la sécurité de la société ? Le pouvoir ultime d’interprétation est fermement entre les mains de l’appareil d’État et du grand capital.

L’expérience des livreurs de repas et denrées dans tout le pays est représentative de ce qui arrive aux travailleurs : ils sont autorisés à se déplacer lorsqu’ils livrent des produits essentiels, en ville, mais il leur est interdit de le faire lorsqu’ils veulent rentrer chez eux le soir pour se reposer. L’an passé, on a vu un grand nombre de livreurs dormir dans les rues, sous les ponts et dans des tunnels la nuit, lors de confinements généralisés à Shanghai, Shenzhen ou Zhengzhou. Derrière l’interdiction faite aux livreurs de retourner chez eux se cachent le renoncement des pouvoirs publics à assumer leurs obli­gations et l’exploitation de ces livreurs. Les travailleurs des plates-formes de vente à emporter, employés de manière informelle et ne bénéficiant d’aucune sécurité de l’emploi, ont assumé ce qui était en fait de la responsabilité des gouvernements : la distribution de médicaments et d’articles pour les ménages. Salaires inférieurs, risques plus élevés et insécurité de l’emploi, mais ce sont ces livreurs de repas, ces chauffeurs de camion et les ouvriers des usines en isolement qui font fonctionner l’économie d’une ville pendant le confine­ment.

Qui peut circuler ? C’est la production pour les capitalistes qui décide

Alors que les livreurs pouvaient circuler pendant le confinement, les travail­leurs migrants qui n’étaient pas dans les industries « essentielles », dans les villages autour des villes, se voyaient limités dans leurs déplacements, voire interdits, coupés de toute production et de toute vie. Les usines locales ont cessé de fonctionner et il leur est devenu extrêmement difficile de quitter la ville en raison des confinements. Même s’ils ont pu retrouver leur logement, les travailleurs migrants avaient trop peu d’économies pour survivre à la fermeture et ont dû affronter la disette.

(À suivre)

Déclaration sur Foxconn et les protestations contre le zéro-Covid en Chine

Collectif Dove and Crane*, 28 novembre 2022 (extraits)

Le collectif Dove and Crane (CDC) est solidaire des travailleurs de Foxconn, ainsi que des étudiants et des résidents qui se soulèvent pour protester dans toute la Chine. CDC demande la libération immédiate de tous les étudiants, travailleurs et manifestants arrê­tés à Urumqi, Shanghai, Chengdu, Pékin, Nanjing, Wuhan et Guangzhou, entre autres villes. Nous demandons instamment à l’État chinois de se conformer à sa Constitution, qui garantit la liberté d’expression, de la presse, de réunion, d’association, de rassemblement et de manifestation. En outre, nous demandons à l’État chinois de mettre fin aux politiques draconiennes et désordonnées adoptées sous le couvert de zéro-Covid, de mettre fin au modèle de « production en circuit fermé » mis en œuvre dans diverses entreprises sous la direction du gouvernement, et d’envisager des moyens alternatifs de contrôle de la pandémie qui soient fondés sur les contributions démo­cratiques des citoyens et les conseils des experts en santé publique. (…)

Ces dernières années ont vu l’expansion des secteurs précaires en Chine pour maintenir la rentabilité des entre­prises au détriment des travailleurs. Une grande partie de ces profits, rendus possibles par une alliance entre l’État et les entreprises, profite directement aux élites chinoises et à ceux qui vivent dans l’hémisphère Nord.

En ce sens, nous pouvons interpréter les abus de Foxconn à Zhengzhou et la résistance des travailleurs comme un prélude à cette nouvelle vague de bouleversements sociaux. Même avant la pandémie de COVID-19, Foxconn était connu pour ses conditions de travail et ses pratiques horribles. Foxconn employait régulièrement des travailleurs détachés (travailleurs avec des contrats temporaires irréguliers) dans ses usines, en violation flagrante des lois chinoises sur le travail, embauchait des soi-disant « stagiaires » issus de lycées profession­nels pour travailler sur ses lignes de pro­duction avec une faible, voire aucune, rémunération. (…)

Cela montre la véritable nature de la coopération entre les États-Unis et la Chine aux dépens de la classe ouvrière : les méga-corporations américaines qui détruisent les syndicats passent des contrats avec Foxconn, une société taïwanaise, pour profiter des conditions de travail autoritaires en Chine et réaliser d’énormes profits.

(…) L’ACFTU, le seul syndicat autorisé en Chine, n’est pas du tout intervenu à Foxconn, restant totalement silencieux. CDC est solidaire des travailleurs de Foxconn, des militants chinois d’outre-mer et d’autres alliés aux États-Unis qui sensibilisent le public à leurs droits, ainsi que des travailleurs du monde entier qui luttent pour leur dignité et leur survie. (…)

* Le collectif Dove and Crane se définit comme un groupe de militants progressistes des diasporas aux États-Unis qui condamnent le conflit entre les États-Unis et la Chine, le pouvoir des multinationales et promeuvent le statut de la classe ouvrière au-delà des frontières et les droits démocratiques, civils et humains pour tous.

La grève de trois jours des chauffeurs

Huolala est une plate-forme (connue aussi sous le nom de Lalamove) qui met en relation des chauffeurs et véhicules (plus de 660 000) avec des clients pour le transport de marchandises.

Les chauffeurs se sont mis en grève les 16, 17 et 18 novembre dans plusieurs grandes villes, notamment dans le Guangdong : ils étaient 1 000 chauffeurs à manifester à Shenzhen, 400 à Dongguan et aussi à Foshan. Des conducteurs de Wuhan, Changsha et Wenzhou se sont associés à la grève ou à d’autres formes de mobilisation.

Les chauffeurs de Guangzhou ont ainsi soumis une liste de seize revendications liées aux récents changements imposés par l’entreprise, qui ont entraîné une réduction de 20 % de la rémunération des chauffeurs. Comme pour les livreurs de repas, par exemple à Hong Kong, la baisse des revenus des chauffeurs tient à une modification des conditions dictées par la plate-forme, par exemple avec un nouvel algorithme qui calcule la distance non en fonction du trajet réel mais de la ligne droite.

« L’appel à la grève et la protestation en ligne se sont rapidement répandus, attirant également l’attention du gouvernement. Au deuxième jour de la grève, Huolala et d’autres entreprises de logistique ont été convoquées par le ministère des Transports qui leur a demandé de modifier leurs pratiques au bénéfice des travailleurs. Le ministère a déclaré que les entreprises avaient “gravement porté atteinte aux droits et intérêts légitimes des chauffeurs routiers et perturbé l’ordre de la concurrence loyale sur le marché”. Huolala est revenu sur certaines de ses nouvelles politiques et a procédé à d’autres ajustements. Un chauffeur dit que c’est un pas en avant, mais qu’il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour donner satisfaction aux chauffeurs », rapporte « China Labour Bulletin » (6 décembre).

Lettre d’information n°589, 15 décembre 2022

VU

Shein est un marchand chinois de vêtements bon marché : « Les employés de deux de ses usines en Chine faisaient des journées de 18 heures et ont reçu des amendes pour avoir commis des erreurs », rapporte un documentaire britannique. Ni le Parti ni le syndicat n’étaient au courant…

ÉDITORIAL

Virage sur les chapeaux de roue ! La politique du zéro Covid décidée par Xi Jinping et la direction du Parti communiste chinois au pouvoir est abandonnée du jour au lendemain à compter du 7 décembre. Voilà donc un pouvoir tout-puissant, qui a contrôlé, quadrillé, confiné, matraqué et arrêté pendant trois ans au nom de l’application de cette politique qui se trouve contraint de renoncer à sa politique ! Comment ne pas y voir le résultat des manifestations populaires dans une vingtaine de grandes villes fin novembre contre cette politique ? Comment ne pas y voir, après la mobilisation ouvrière victorieuse à Foxconn, la peur d’un soulèvement massif des travailleurs alors que les usines ferment leurs portes faute de personnel et que le travailleur ne parvient plus à nourrir sa famille ? Les ventes au détail ont officiellement baissé de 5,9 % en novembre et la production industrielle a progressé d’un tout petit 2,2 %, au lieu de 5 % le mois précédent.

Dans ces manifestations, on a chanté L’Internationale, le chant des exploités et des opprimés de par le monde. C’est un chant pour l’émancipation, appelant à se débarrasser des voleurs et des tyrans, à « décréter le salut commun ».

L’Internationale interdite ! En 2006, « lors d’un “Forum de l’éducation des employés d’entreprises”, les organisateurs ont fait part avec le plus grand sérieux d’une “nouvelle tendance” : pour construire une “société harmonieuse” et prévenir les conflits du travail, certaines autorités locales ont édicté l’interdiction absolue de diffuser et d’entonner L’Internationale au cours des réunions – professionnelles ou non – auxquelles participent des travailleurs permanents ou intérimaires. Autrement dit, ce “chant révolutionnaire sacré” qui avait fait s’unir tous les prolétaires du monde est aujourd’hui jugé nuisible aux salariés ou travailleurs intérimaires, ces nouveaux prolétaires, et cela au nom de la “stabilité avant tout” », rapportait la revue « Courrier International » (31 mai 2006).

Mais « les forçats de la faim, les damnés de la terre » n’en peuvent plus de cette politique, et le pouvoir le sait ! Car pour qui s’intéresse à ce qui se passe dans les tréfonds de la société, d’abord au sein de la classe laborieuse, le constat est là : travailler à en être surexploité ne suffit même plus à joindre les deux bouts. Des millions de travailleurs migrants, venus des campagnes, souffrent dans les villes, contraints de dormir à l’usine à même le sol, les livreurs de repas et denrées diverses dorment sous les ponts, dans la rue, dans les gares…

« Pour que le voleur rende gorge », dit encore le chant. Les ouvriers de Foxconn se sont mis en grève et ont manifesté deux jours durant, parce que la direction de Foxconn leur avait volé les primes et salaires promis à l’embauche et les patrons ont finalement cédé et versé leur dû aux travailleurs. Ils ont « rendu gorge » ! Sur le réseau social Weibo, on lisait (23 novembre) : « Foxconn, ce sont des ordures, ils ont utilisé la police armée pour réprimer les travailleurs, de nombreux travailleurs ont été blessés, et le gouvernement de la ville de Zhengzhou est de connivence avec eux pour intimider les travailleurs ordinaires. »

Le pouvoir aide le patron contre l’ouvrier. Mais, constate un internaute, « une nette majorité de personnes s’expriment en faveur des travailleurs de Foxconn. Ils postent de vieilles affiches de propagande qui soulignent comment la classe ouvrière chinoise prendra la direction de la révolution », « je suis tellement bouleversé par cette situation, il est temps de se réveiller ! », écrit l’un. « Quelle est la première phrase de l’hymne national ? : « Levez-vous, vous qui refusez d’être des esclaves !» », écrit un autre. Cette situation peut-elle durer ?

Seize livreurs. Un livreur de repas et ses quinze collègues embauchés par Meituan, un géant de la livraison, ont dû lancer fin novembre (revue « Sixth Tone », 23 novembre) un appel sur le réseau social WeChat pour trouver un endroit où dormir : ils avaient jusque-là dormi dans des stations de livraison, des immeubles de bureaux et des restaurants au cours des derniers jours, mais tout était fermé désormais. Meituan n’avait sans doute pas les moyens de leur payer l’hôtel… Tencent, le géant de la technologie qui était son actionnaire principal, a en effet décidé une semaine plus tôt de faire un cadeau à ses actionnaires : il leur a distribué ses 20 milliards d’euros d’actions Meituan ! Ils ne font « que dévaliser le travail, dans les coffres-forts de la banque, ce qu’il a créé s’est fondu », dit encore L’Internationale.

Autre exemple ? Les ouvriers des chantiers de construction courent après leurs salaires et les petits propriétaires attendent la livraison de leur logement. Mi-novembre, les autorités de la banque et de l’assurance ont promis que les banques octroieraient à nouveau des prêts aux sociétés immobilières. Aussitôt, les actions en Bourse des promoteurs ont explosé : les deux dirigeantes et actionnaires principales de Country Garden et de Longfor ont empoché en quelques heures respectivement 2,2 et 1,1 milliards d’euros !

Panique. Le tournant de la politique sanitaire a semé la panique. Déjà, on demande aux établissements scolaires de recourir à l’enseignement en distanciel, à certains fonctionnaires et employés de télétravailler ou de rester jour et nuit au bureau. Les hôpitaux sont débordés, car on ne teste plus, on ne vaccine pas ou peu – une étude suggère des rappels massifs de vaccination pour éviter 1 million de décès ! –, et le quotidien du Parti « Global Times » (16 décembre) rapporte que le gouvernement s’inquiète des retards de livraison des médicaments et produits de première nécessité. Sans parler des livreurs frappés par la maladie ! Un directeur de SF Express à Pékin explique que le virus a éliminé la moitié de ses 18 000 livreurs…

« La Lettre » poursuit la publication de quelques documents reçus. « Le peuple parle, l’entendez-vous ? », par exemple, pose la question de la reconstruction d’une société démocratique. L’année 2023 sera riche en événements. Puisse-t-elle voir enfin les travailleurs et la jeunesse s’organiser librement !

Meilleurs vœux à tous nos lecteurs !

DOCUMENTS

« Le peuple parle, l’entendez-vous ?

Extraits d’un texte écrit le 28 novembre, second jour des manifestations populaires.

« Si le gouvernement ne peut pas protéger les moyens de subsistance, les droits de l’homme et la liberté des gens, alors il ne devrait pas utiliser cette “protection paternaliste” pour continuer à tromper le public et exagérer la peur face au nouveau virus. Aujourd’hui, combien de travailleurs ordinaires n’ont plus les moyens de manger, de rembourser leurs dettes ou de subvenir aux besoins de leur famille ? Mais le gouvernement ne fournira d’allocations de secours qu’aux grandes entreprises. Le gouvernement doit s’excuser solennellement auprès du peuple !

Nous nous engageons pleinement à participer aux manifestations spontanées à travers le pays. Nous exigeons la libération inconditionnelle de tous les étudiants, travailleurs et citoyens arrêtés et détenus pour s’être opposés au confinement.

La colère des travailleurs de Foxconn et le chagrin après l’incendie d’Urumqi ont poussé d’innombrables citoyens à travers le pays à descendre spontanément dans la rue. Nous avons été témoins de trop de souffrances et de chagrin dans ce pays, nous pouvons peut-être survivre aujourd’hui, mais qui sait si une tragédie ne nous frappera pas demain ?

Nous n’avons jamais été traités comme des citoyens à l’esprit indépendant et avec une pensée libre. Nous sommes des êtres humains ! Tous nos droits doivent être pleinement respectés et non arbitrairement réprimés. Dans les rues d’Urumqi, de Shanghai, de Pékin, de Guangzhou, de Wuhan, de Chengdu et d’ailleurs, un grand nombre d’étudiants, de travailleurs et de citoyens ont clamé “Arrêtez le confinement et les contrôles, nous voulons la liberté”, “Nous ne voulons pas de test, nous voulons manger”.

De nombreux manifestants ont été violemment arrêtés et emmenés. Le gouvernement n’a donné aucune explication et la situation des manifestants est inconnue. Notre peuple ne l’acceptera jamais, nous exigeons que le gouvernement libère immédiatement et sans condition tous les étudiants, travailleurs et citoyens arrêtés et détenus. Nous voulons obtenir la pleine protection de nos droits constitutionnels et lutter pour les libertés d’expression, d’association et de presse ; nous voulons reconstruire la démocratie dans les quartiers et sur les lieux de travail.

D’innombrables messages sont constamment en erreur “404” et c’est devenu une norme de vie absurde. Lorsque je me réveille chaque matin, toutes les vidéos et publications de WeChat liées à la critique des politiques officielles sont bloquées, alors que les comptes officiels du gouvernement sont toujours mis à jour.

Nous sommes privés du droit de discuter, de nous exprimer et même de penser, droits clairement inscrits dans la Constitution ! La longue période d’arbitraire du gouvernement et de violation des droits civils dans le passé a fragmenté et atomisé les communautés dans lesquelles nous vivons. Tout en nous efforçant de débloquer cette situation, nous devons reconstruire une vie communautaire et un lieu de travail plus cohérents, unis et démocratiquement autonomes. Construire une vie publique plus stable et solide, et c’est notre point de départ pour être autonome et pour la défense de notre patrie.

Les trois dernières années ont été une expérience commune de douleur et de dépression pour nous tous ; mais ces derniers jours et ces dernières nuits sont le chagrin et le souvenir collectifs les plus précieux de notre génération. Nous n’avons pas perdu espoir de changement, nous n’avons jamais cessé d’être en colère. Nous vivons et assistons au premier rang à ce moment. L’incendie d’Urumqi ne sera pas la dernière tragédie de l’époque. Mais en ce moment, nous avons le pouvoir d’empêcher la tragédie de continuer. Au moins, essayons ! »

« La plus grande mobilisation de la société chinoise depuis des années »

Contribution de militants socialistes chinois (Continent et Hong Kong), 28 novembre

«Étudiants et travailleurs dans toute la Chine sont descendus dans la rue pour demander des comptes sur la politique du «zéro Covid», qui les prive de leurs droits et met leur sécurité en danger. Une fois de plus, la population du Xinjiang a dû faire les frais des politiques répressives du pouvoir dans l’horrible incendie d’Urumqi. Mais aujourd’hui, la région où vivent des citoyens parmi les plus marginalisés du pays est devenue l’étincelle de ce qui est probablement la plus grande mobilisation de la société chinoise depuis des années. Plus que jamais, les Chinois hans du Xinjiang et des autres provinces doivent continuer à mettre au centre la lutte des Ouigours et des minorités opprimées et à se battre à leurs côtés. Nous demandons que les responsables rendent des comptes aux victimes de l’incendie d’Urumqi et appelons à un changement radical du système :

Nos revendications :

– Abolir les confinements actuels qui retiennent les gens de force dans leurs maisons, les privant de l’accès aux besoins de base.

– Abolir les tests PCR forcés pour le Covid.

– Permettre aux personnes infectées de s’isoler chez elles, tandis que celles qui présentent des symptômes graves ont le droit d’être traitées à l’hôpital ; annuler le transfert forcé et l’isolement des personnes infectées et non infectées dans des hôpitaux de fortune.

– Fournir le choix parmi divers vaccins, permettant aux individus de choisir leurs soins de santé.

– Libérer Peng Zaizhou, manifestant du pont Sitong, et tous les autres détenus politiques arrêtés depuis les manifestations.

– Appeler à un deuil national pour les décès causés par les mesures de confinement irresponsables.

– Garantir la démission des bureaucrates responsables de la mauvaise gestion de la pandémie.

– Les mesures de contrôle de la pandémie doivent être fournies par des experts médicaux et menées démocratiquement parmi la population.

– Garantir les droits des citoyens à la liberté d’expression, de réunion, d’organisation et de protestation.

– Soutenir le pouvoir indépendant des travailleurs dans et au-delà de ces protestations ; abolir les pratiques anti-ouvrières comme l’horaire de travail en « 996 » et renforcer les protections du droit du travail, y compris la protection du droit de grève et d’auto-organisation des travailleurs, afin qu’ils puissent participer plus largement à la vie politique.

Stratégies

– Si quelqu’un est menacé par la police, les autres doivent se lever pour le soutenir.

– Nous ne devons pas empêcher d’autres de scander des slogans plus radicaux, mais essayer de donner la priorité aux demandes positives et concrètes de changement du système.

– Les changements au niveau des autorités politiques au sein du système seraient sans effet si nous ne démocratisons pas complètement le système lui-même.

– Éviter la tactique risquée de l’occupation à long terme des rues et des places ; opter pour une mobilisation de type « être comme l’eau » pour empêcher les autorités de réprimer trop facilement les manifestants.

– Au-delà de la protestation, renforcer l’entraide et l’auto-organisation au sein des communautés et des lieux de travail.

Nous ne savons pas comment ce mouvement va se développer, mais nous continuons à encourager l’organisation indépendante de masse des étudiants, des travailleurs et d’autres groupes marginalisés sur le continent et à l’étranger, y compris les Hongkongais, les Taïwanais, les Ouigours et les Tibétains, afin de poursuivre la construction d’un programme stratégique à long terme pour la lutte démocratique en Chine. » (Source : « Lausan »)

La Lettre d’information n° 588, 1er décembre 2022

VU

Un internaute, vite censuré, a écrit à propos des manifestations de fin novembre dans de grandes villes du pays : « Ce soir, la lumière a percé la nuit. Tout est sur le point de commencer. »

ÉDITORIAL

À Urumqi, capitale de la province du Xinjiang où bien des quartiers sont confinés depuis plus de trois mois, un incendie s’est déclaré vendredi 25 novembre dans un grand immeuble d’habitation. Des résidents n’ont pu s’échapper à temps, des barrières de confinement ayant en outre entravé le plein accès des pompiers au sinistre. Bilan officiel : 10 morts. La nouvelle de cette tragédie s’est répandue comme une traînée de poudre dans un univers déjà au bord de l’explosion. Et dans la soirée, des manifestants ouïghours et hans défilant ensemble et portant un immense drapeau chinois se sont rassemblés devant l’hôtel de ville pour dénoncer les autorités responsables et exiger la fin du confinement. Alors ont retenti les chants de l’hymne national – qui débute par « Levez-vous, vous qui ne voulez plus être esclaves ! » – et de L’Internationale, le chant des exploités et des opprimés.

Un déferlement spontané. Et puis en quelques heures le lendemain, la colère devant une telle tragédie a déferlé dans tout le pays, car cet incendie d’Urumqi fait suite à un accident de car tombé dans un ravin en pleine nuit de septembre, car qui transportait 27 personnes dans un centre de quarantaine, à des suicides de désespoir, à des décès faute de soins en raison de confinements sauvages et arbitraires.

Ainsi, Wuhan a vu surgir des milliers de jeunes, d’habitants qui voulaient rendre hommage aux victimes de l’incendie, défilant et abattant les barrières de confinement. À Shanghai, des lieux de recueillement improvisés se couvraient de bougies, les manifestants brandissaient des feuilles blanches symbolisant la censure : « Pas besoin d’écrire quoi que ce soit, tout le monde sait pourquoi on est là. » Partout, on criait « Assez de tests Covid, liberté d’expression ! ». « On n’a pas besoin de tests Covid, on a besoin de manger », entend-on à Pékin, où on chante L’Internationale dans la rue et à la célèbre université Tsinghua.

Au total, on compta une cinquantaine de manifestations dans une quinzaine de grandes villes : Urumqi, Shanghai, Pékin, Nanjing, Guangzhou, Xian, Zhengzhou, Wuhan, Chengdu, Changsha, Chongqing… On lira au verso quelques éléments de ces manifestations.

Tout devenait insupportable. La révolte ouvrière contre l’exploitation qui avait éclaté à Foxconn quelques jours auparavant a nourri et conforté cette mobilisation dans toutes les grandes villes du pays contre les mesures bureaucratiques de confinement anti-Covid et plus généralement contre le régime d’oppression imposé par le Parti communiste chinois au pouvoir. Voici décrit le chaos organisé par les bureaucrates : « Les codes verts sont obligatoires partout, même pour rentrer chez soi. Et à la fois les cabines de test Covid sont de plus en plus rares dans les rues. Sans parler des quarantaines à rallonge dans différentes villes. Résultat : de nombreuses personnes perdent leur emploi. Le doute s’installe dans les esprits. »

Un autre sur les réseaux sociaux : « J’étais celui qui a sauté du haut du bâtiment, j’étais dans le bus qui s’est renversé, j’étais celui qui a quitté Foxconn à pied, j’étais celui qui est mort de froid sur la route, j’étais celui qui n’a eu aucun revenu pendant des mois et ne pouvait pas se permettre d’acheter un petit pain aux légumes et j’étais celui qui est mort dans l’incendie. Même si aucun d’entre eux n’était moi, la prochaine fois, ça pourrait très bien être moi. ». Tout devient insupportable, aujourd’hui plus qu’hier encore.

Le pouvoir mis en cause. Parce qu’ils s’arrogent le droit et le pouvoir de tout décider, les bureaucrates au pouvoir portent donc seuls la responsabilité de toutes les conséquences de l’épidémie : de l’escroquerie et de l’exploitation éhontée de Foxconn – « L’usine coopère avec le gouvernement pour organiser la gestion du personnel », écrivait alors Foxconn –, du chômage massif des jeunes et des moins jeunes, des difficultés de se fournir en denrées alimentaires – « Qu’est-ce qu’on va manger, nous qui ne sommes pas résidents ? Nous voulons manger à notre faim. Le Parti communiste chinois nous soutient-il ? », interpellaient déjà en janvier des centaines de travailleurs migrants manifestant à Tianjin –, de la grande misère des hôpitaux et des travailleurs sociaux – « Nous n’avons pas d’eau, pas de nourriture, pas d’abri, et plus de 100 personnes dorment sur le bord de la route. Pourquoi sommes-nous traités ainsi ? ».

La stupidité du bureaucrate le dispute à la violence quand il s’agit de sa survie personnelle, a fortiori de sa promotion. Quarante étudiants de l’université de Pékin ont décrit cette mécanique : « Pourquoi la politique de prévention et de contrôle devient-elle de plus en plus impopulaire ? Ceux qui appliquent les mesures décidées centralement vont se concentrer inévitablement sur ce qui va satisfaire leurs supérieurs et ne tiendront pas compte des demandes réelles de la population ».

Un nouveau pas a été franchi. Mettant en cause la bureaucratie, les manifestants ont revendiqué la liberté d’expression, la démocratie, le droit de décider de leurs propres affaires. Ce qui est incompatible avec le monopole du pouvoir du Parti communiste chinois. Nul ne peut dire ce qu’il adviendra du pouvoir que tous hier s’accordaient à dire tout-puissant, mais un mouvement est engagé.

La sinologue Marie Holzman écrit dans une tribune : « Le 26 novembre, au sein de l’École de journalisme de Nankin, le président de l’université est sorti pour calmer les étudiants en les menaçant : “Vous serez tenus responsables de ce que vous avez fait ces jours-ci”. Ces propos ont aussitôt provoqué des réactions furieuses : “Vous aussi vous aurez à rendre des comptes de tout ce que vous avez fait. Ce pays devra rendre des comptes.”»

La « Lettre » va poursuivre son travail d’information avec la publication de textes que nous avons reçus récemment, car il est clair que ces événements ne sont pas la fin mais le début d’un processus, qui aura donc des rebondissements. Nous rappelons que cette « Lettre » ne vit que grâce à l’abonnement de ses lecteurs. Nous invitons donc les lecteurs à vérifier le terme de leur abonnement pour continuer à recevoir la « Lettre » (le numéro figure sur l’étiquette d’adressage). Merci !

LES MANIFESTATIONS ET LES SLOGANS

Le vendredi 25. À Urumqi (province du Xinjiang), à la suite de l’incendie et des excuses insultantes des autorités, des centaines de manifestants se sont rassemblés dans les rues, Ouïghours et Hans défilant ensemble, avec des drapeaux chinois, exigeant la fin du confinement. Une femme a brandi des feuilles de papier où figuraient le chiffre 10 [Ndlr : nombre annoncé des victimes de l’incendie] en langues ouïghoure et chinoise. « Au bout d’un moment, tout le monde s’est mis à faire pareil. Personne ne disait rien, mais nous tous, nous savons ce que cela signifie. Supprimez ce que vous voulez, vous ne pourrez pas censurer ce qui n’est pas dit », explique un photographe chinois. La foule, poing levé, criait « Levez le confinement ! », puis a chanté l’hymne national et L’Internationale. Le lendemain, les autorités ont assoupli les restrictions de circulation dans certains quartiers.

Le samedi 26. À Shanghai, avenue Wulumuqi (qui est le nom d’Urumqi en chinois), une veillée aux bougies s’est transformée en manifestation au milieu de la nuit. La foule a brandi des feuilles de papier vierges, nouveau symbole de protestation contre la censure. Puis ils ont scandé « Levez le confinement à Urumqi, levez le confinement dans le Xinjiang, levez le confinement dans toute la Chine ! ». Des manifestants se sont affrontés plus tard à la police en scandant « Servez le peuple ! », « Nous voulons la liberté ! Nous ne voulons plus de codes Covid ! ». On entend pêle-mêle « Nous voulons la liberté, la démocratie, la liberté d’expression et de la presse ».

À l’université de la Communication de Nanjing, des affiches tournant en ridicule la politique du « zéro Covid » ont rapidement été arrachées. Un étudiant s’est alors tenu debout pendant plusieurs heures devant les restes de ces affiches, brandissant une feuille de papier blanc. Plusieurs centaines d’étudiants l’ont alors rejoint. Certains d’entre eux ont déposé des fleurs blanches sur le sol pour honorer la mémoire des disparus à Urumqi et se sont mis à chanter « Reposez en paix ». Puis d’autres ont entonné l’hymne national chinois, d’autres enfin ont, là aussi, chanté L’Internationale, avant de lancer « Longue vie au peuple ! ». Sur le campus de la célèbre université Tsinghua de Pékin, une foule énorme s’est rassemblée, certains arborant ces feuilles blanches.

À Lanzhou, capitale du Gansu dans le centre du pays, des manifestants ont renversé les tentes du personnel de dépistage et détruit des cabines de tests.

Le dimanche 27. À Chengdu, des milliers de personnes ont manifesté pacifiquement en défilant dans les rues, scandant « Nous ne voulons pas de tests Covid ! Nous voulons la liberté ! ». La foule a commencé à se rassembler aux alentours de 20 heures et a défilé jusqu’à 2 heures du matin au moins. À Wuhan, où les premiers cas de coronavirus sont apparus fin 2019, on a vu des milliers de personnes défilant dans une rue commerçante très populaire. À Shanghai, des centaines de personnes ont encore manifesté dans le centre, brandissant, elles aussi, des feuilles de papier blanc, debout en silence à plusieurs carrefours, avant que la police arrive et les disperse. Le soir encore, entre 300 et 400 personnes se sont rassemblées plusieurs heures durant sur les berges de la rivière Liangmahe qui traverse le centre de Pékin. Certains criaient : « Nous sommes tous des gens du Xinjiang ! Allez, le peuple chinois ! ».

Les jours suivants, la présence policière était massive dans les villes après l’appel des autorités à « réprimer résolument, conformément à la loi, les actions criminelles visant à briser l’ordre social et protéger avec détermination la stabilité sociale ». Pourtant, d’autres rassemblements ont eu lieu lundi et mardi, par exemple à Hangzhou, où de petites manifestations ont éclaté, tout comme dans un quartier de Guangzhou, où des vidéos montrent des affrontements avec la police après que des barrières de confinement furent renversées dans ce quartier bouclé depuis un mois.  

(Sources diverses : agences AP, Reuters, AFP, etc.)

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Déclaration de 40 étudiants de l’université de Pékin (Les caractères gras sont nôtres)

(…) Pourquoi la politique de prévention et de contrôle devient-elle de plus en plus impopulaire ? Pourquoi les situations suivantes continuent-elles de se produire malgré les ordres répétés du gouvernement central : des patients ou des mères se voient refuser un traitement médical en temps voulu parce qu’ils ne peuvent pas fournir leurs résultats d’analyse PCR, des résidents et des étudiants sont transférés de force et mis en quarantaine à leur insu, des portes sont bloquées de sorte que les gens n’ont nulle part où aller, voire perdent la vie en cas d’accident.

Nomination et révocation des fonctionnaires. Nous pensons que la récurrence de ces situations s’explique par le fait qu’en l’absence d’instructions impératives liant la nomination et la révocation des fonctionnaires aux préparatifs contre l’épidémie il est difficile de les faire appliquer sérieusement. Alors, une fois que les moyens administratifs sont utilisés pour mettre en œuvre la politique, ceux qui l’appliquent effectivement se concentreront inévitablement sur la satisfaction des exigences de leurs supérieurs et ne tiendront pas compte des demandes réelles de la population. Ils ne cesseront d’élever la barre à tous les niveaux pour s’assurer d’un bilan parfait.

Impossible d’exprimer son mécontentement. De plus, les autorités ont abusé de leur pouvoir pour contrôler l’opinion publique en bloquant et en supprimant les commentaires sur cette politique. Il est donc impossible pour le public d’exprimer son mécontentement et de critiquer des mises en œuvre spécifiques, ou même d’appeler à l’aide en temps voulu lorsqu’il rencontre des difficultés. Les protestations et les manifestations que l’on observe partout aujourd’hui sont également le résultat inévitable d’une telle situation.

Les demandes. Par conséquent, nous demandons par la présente :

1. Afin d’éviter les abus de la puissance publique, tous les confinements locaux de quarantaine doivent être arrêtés afin que toutes les personnes des communautés, villages, unités et écoles puissent entrer et sortir librement.

2. Abolir les moyens techniques permettant de surveiller les allées et venues des citoyens, comme les codes d’accès et l’application de suivi des téléphones portables. Cesser de considérer la propagation de l’épidémie comme la responsabilité de certains individus ou institutions. Consacrer des ressources à des travaux de longue haleine tels que la mise au point de vaccins, de médicaments et la construction d’hôpitaux.

3. Mettre en œuvre des tests PCR et une quarantaine volontaires pour les personnes non diagnostiquées et asymptomatiques.

4. Libérer les restrictions sur l’expression de l’opinion publique et permettre les suggestions et les critiques sur les problèmes spécifiques de mise en œuvre dans les différentes localités.

5. Divulguer des données véridiques sur l’infection, y compris le nombre de personnes infectées, le taux de décès, le taux de longues séquelles, afin d’éliminer la panique épidémique pendant la transition.

Nous espérons mettre fin à l’obligation d’utiliser l’acide nucléique pour les personnes asymptomatiques qui n’ont aucun antécédent d’entrée ou de sortie de l’école, et annuler l’autorisation donnée au Centre de recherche sur la jeunesse de surveiller diverses plates-formes d’expression publique. (…)  

27 novembre 2022

Ce que cette actualité a estompé… Le 21 novembre, 38 travailleurs sont morts dans un incendie à Anyang (Henan), des ouvrières en majorité. Le congrès mondial de la Confédération syndicale internationale (CSI) qui s’est tenu fin novembre demande la libération des dirigeants syndicaux de Hong Kong emprisonnés et l’abandon des charges, ainsi que le respect du droit de grève et d’association en Chine continentale. Tsai Ing-wen, la présidente de Taïwan, a annoncé sa démission de la direction de son parti le 26 novembre, après que les électeurs ont voté pour l’opposition à une large majorité.

La Lettre d’information n° 587, 15 novembre 2022

VU

Une ouvrière de Foxconn : « L’entreprise est en train de jongler entre “comment satisfaire les commandes passées par Apple” et “comment s’assurer d’être en conformité avec la politique Covid du gouvernement pour ne pas être sanctionné”. Les droits des travailleurs, ce n’est pas ce qui les préoccupe. »

ÉDITORIAL

Révolte ouvrière chez Foxconn. Après l’exode de milliers d’ouvriers des immenses usines Foxconn à Zhengzhou provoqué par les mesures inadaptées et dangereuses prises par la direction pour faire face à l’épidémie (voir « Lettre » précédente), les patrons se sont retrouvés à court d’ouvriers en cette période de pointe pour assurer l’assemblage des iPhone, les téléphones d’Apple.

Pour Terry Gou, le patron milliardaire de Foxconn, le moment est alors venu de faire appel aux dirigeants du Parti communiste chinois (PCC) qui, de tout temps, lui ont accordé tous moyens et facilités. « L’usine coopère avec le gouvernement pour organiser la gestion du personnel », écrit alors Foxconn. L’appel est entendu : les cadres du Parti des villages alentour s’embauchent en CDD sur les chaînes de production, les retraités de l’armée sont appelés en renfort, mais arrivent aussi des milliers de jeunes chômeurs auxquels Foxconn promet des salaires et primes hors normes (voir au verso). « Des membres du PCC qui prêtent main-forte à une entreprise taïwanaise, au service de la multinationale américaine la plus valorisée du monde : l’histoire est cocasse », commente le quotidien « Le Monde ». Mais pour l’ouvrier, l’histoire n’est pas cocasse du tout ! Car au moment des signatures de contrat et du versement de la paie, les promesses se sont envolées et le compte n’y est pas du tout !

La grève éclate alors dans certains ateliers, des rassemblements massifs ont lieu, on manifeste dans l’usine et au dehors au cri de « Défendons nos droits ! Nous voulons notre paie ! ». La police puis la police antiémeute sont appelées en renfort face à ces milliers d’ouvriers en colère, la mobilisation dure deux jours et les affrontements sont violents. Foxconn doit mentir pour reculer : « Nous nous excusons pour une erreur de saisie dans le système informatique et garantissons que la rémunération réelle est la même que celle convenue. »

Et pour finir, le patron offre aux milliers de nouveaux embauchés une prime de 10 000 yuans (soit trois ou quatre mois de salaire !) pour qu’ils… quittent l’entreprise ! Plus de 20 000 d’entre eux auraient saisi l’occasion… Pour les patrons de Foxconn, faire repartir les chaînes de production était l’impératif et il leur aura donc fallu ensuite appâter à nouveau des milliers d’ouvriers. En résumé, les ouvriers ont manifesté d’abord leur défiance à l’égard de leur patron quant à sa volonté de les protéger de l’épidémie – seule compte la production –, puis ils ont refusé de laisser libre cours à la surexploitation en exigeant que soient respectées les annonces de salaires et primes.

Ras-le-bol ! Dans la soirée du 14 novembre, une foule d’habitants d’un quartier de Guangzhou avait déferlé dans la rue pour abattre les barrières placées par les autorités pour confiner la population, au cri de « On ne veut plus de tests ! ». Des vidéos montrent des affrontements et un fourgon de police en train d’être renversé. Ainsi, l’exaspération que suscitent les confinements bureaucratiques se conjugue au combat contre l’exploitation. Dans des quartiers, les affrontements ont lieu avec les « hommes en blanc », policiers, personnels volontaires ou engagés.

La politique du « zéro Covid » est maintenue au nom de la formule de Xi Jinping « la santé avant l’économie », mais des infléchissements viennent de voir le jour face à la multiplication des incidents dans les quartiers et surtout cette explosion ouvrière à l’usine Foxconn. L’inquiétude s’accroît dans les rangs du pouvoir, à tous les niveaux. Le gouvernement a donc annoncé « l’optimisation de la réponse au Covid » avec 20 mesures de prévention et de contrôle, assorties de cet avertissement : « Éviter les mesures de contrôle excessives et arbitraires ». Et stabilité sociale oblige : « Ceux qui sont à la source de conséquences graves seront tenus pour responsables » (Reuters, 15 novembre).

« Quel genre de cerveau a imaginé cette politique ? » Cette réflexion a circulé sur les réseaux sociaux après les annonces et leur application locale, car c’est le chaos et la confusion qui règnent. Les mesures contraignantes n’ont pas empêché la propagation du virus car des milliers de nouveaux cas quotidiens sont détectés. Mais désormais, on assiste à la disparition de postes de dépistage, on apprend aussi la fin de la gratuité des tests par certains gouvernements locaux, le paiement allonge les files d’attente, alors que les entreprises et les transports exigent un test souvent de moins de 24 heures. Ailleurs, on a interrompu les tests réguliers ou ajusté leur fréquence.

À Guangzhou, la plupart des établissements scolaires sont fermés, l’enseignement se fait en distanciel à la maison, des pénuries alimentaires et des difficultés d’accès aux bâtiments résidentiels compliquent la vie des habitants, l’accès aux soins des personnes confinées est quasiment impossible. Des drames surviennent, comme cet enfant de trois ans décédé à Lanzhou faute de soins, après une intoxication au monoxyde de carbone. De plus en plus souvent, l’arbitraire des comités de quartier du Parti communiste chinois est l’objet de vives critiques. D’autant que certains experts juridiques ont mis en avant que ces comités n’ont aucune autorité pour boucler les immeubles ou les quartiers…

Des millions de PME ont fermé leurs portes, des millions de travailleurs vivent ou survivent sur leurs économies. Les géants de la technologie ne se gênent pas pour licencier quand l’herbe est moins verte : Tencent a ainsi procédé à de nouvelles suppressions d’emplois après les 6 000 licenciements entre mars et juin derniers, soit 5 % de l’effectif. Quant aux conditions des millions de livreurs, elles ne se sont pas améliorées. Nous publions des extraits d’un article de « China Labour Bulletin » sur le sujet.

Toute la situation est en tension et les travailleurs ne sont pas prêts à se laisser faire, comme le montrent ces événements.

CHEZ FOXCONN…

Mobilisation générale du Parti

Selon certains médias, les villages ont reçu pour instruction d’envoyer au moins deux habitants chacun et les cadres du Parti qui travaillent dans la fonction publique ont été priés de signer les premiers des contrats de un mois à six mois pour « montrer le bon exemple ». Un ouvrier qui travaille à l’usine explique qu’il a été appelé par les autorités de son canton : « Il y a une énorme pénurie de main-d’œuvre à Foxconn. Chaque village doit envoyer au moins une personne à l’usine. Moi, ils m’ont appelé pour me demander si je voulais continuer à travailler jusqu’à ce que j’obtienne ma prime. Ce sont les gens du gouvernement qui s’impliquent directement dans le recrutement. Avant-hier, ils nous ont distribué des couettes militaires. »

Le Bureau des affaires des vétérans de l’Armée populaire de libération de la région a exhorté les retraités à « répondre à l’appel du gouvernement » provincial afin de « prendre part à la reprise de la production » dans l’usine, leur rappelant qu’ils sont toujours sous l’autorité du Parti. Selon le quotidien du Parti « Global Times », 10 000 travailleurs manqueraient pour assurer le travail sur les chaînes.

Les promesses alléchantes Selon le magazine « Caixin » (9 novembre), « l’usine Foxconn de Zhengzhou a offert une prime de 400 yuans (54 euros) par jour à tous les travailleurs se présentant au travail ce mois-ci, contre une prime de présence ordinaire de 100 yuans. Les travailleurs qui vont travailler pendant vingt-cinq jours peuvent obtenir une prime supplémentaire de 5 000 yuans. L’usine embauche également des travailleurs rémunérés à l’heure, offrant 30 yuans de l’heure jusqu’au 15 février. »

Et pour la quarantaine ? « Nous versons 400 yuans (54 euros) par jour pour votre quarantaine de quatre jours. Le coût de l’hôtel est couvert par Foxconn. Après avoir rejoint l’usine, vous serez payé 30 yuans (4 euros) par heure », assurait la direction de Foxconn.

Le salaire horaire annoncé est considéré comme un tarif élevé car des emplois similaires offrent moins de 20 yuans (2,70 euros) de l’heure en moyenne. L’entreprise a également déclaré que les employés recevront leur salaire complet sans aucune condition, contrairement à ce qui se passait auparavant. Le recrutement prévoit que les personnes qui ont fui l’usine en octobre recevront un paiement supplémentaire unique de 500 yuans après avoir repris le travail.

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« Bien que le nombre total d’actions collectives dans le secteur ait diminué par rapport à l’année dernière – 68 mouvements de protestation enregistrés en novembre 2022, contre 189 en 2021 –, ces incidents viennent appuyer les témoignages des travailleurs sur la persistance des problèmes.

Les réglementations gouvernementales adoptées en 2021 avaient pour but de protéger les droits des travailleurs précaires de la livraison. En juillet 2021, huit ministères et commissions ont publié un ensemble d’avis directeurs visant à protéger les travailleurs de l’économie de plates-formes et permettant au syndicat officiel chinois de négocier avec les directions du secteur professionnel pour signer des contrats collectifs. Les avis directeurs stipulent que ces accords doivent couvrir certaines des principales doléances des travailleurs, notamment la rémunération, la sécurité sur le lieu de travail et autres conditions de travail. Toutefois, ces négociations ne se sont pas traduites par des changements significatifs dans le secteur, et ce n’est pas faute d’un concert de plaintes des travailleurs concernant leur rémunération et leurs conditions de travail.

En réalité, les rémunérations de livraison ont à peine augmenté dans les grandes villes de premier rang. Selon une enquête de Economic View, un coursier de la plate-forme ZTO à Pékin a déclaré que le tarif de livraison était resté à 1,20 yuan [Note : 1 yuan = 0,13 euro] pendant plusieurs années. Un coursier de la plateforme Shentong travaillant à Hangzhou a déclaré que le tarif de livraison était de 1 yuan depuis deux ou trois ans. Et un coursier de Shanghaï a déclaré que son taux de livraison était légèrement plus élevé, à 1,40 yuan.

Dans les petites villes du pays, les tarifs sont inférieurs à 1 yuan. Par exemple, un coursier d’un comté de la province du Guangdong a déclaré qu’il n’avait pas de salaire de base et ne recevait que 0,7 yuan par commande. De plus, les tarifs n’ont tendance à augmenter que lorsque la concurrence pour la main-d’œuvre est intense, et même dans ce cas, les plates-formes déduisent des frais administratifs des salaires des travailleurs pour augmenter leurs bénéfices.

De nombreux coursiers signalent également que leurs frais professionnels ont augmenté. Les entreprises ont utilisé des casiers de stockage pour raccourcir les délais de livraison. Cependant, une partie du coût de l’utilisation de ces casiers incombe aux livreurs. Un coursier interrogé par Economic View a expliqué que certains complexes résidentiels n’autorisent pas les livreurs à monter dans les étages. Les résidents demandent aux coursiers de placer leurs livraisons dans des casiers de stockage.

Deux de ces sociétés de stockage sont Fengchao et Cainiao (une société de logistique appartenant à Alibaba).

Le coursier explique : « Il faut payer 0,4 yuan pour mettre un colis dans le casier de Fengchao, et 0,8 yuan pour le mettre dans le casier de Cainiao ». Un coursier de la STO a été condamné à une amende de 5 000 yuans [Note : l’équivalent de deux mois du salaire minimum le plus élevé du pays !] pour ne pas avoir livré un colis alors qu’il l’avait entreposé dans une station gérée par Cainiao, a rapporté le « Southern Metropolis Daily ». Le destinataire n’avait pas reçu de code d’enlèvement, ce qui n’était pas la faute du coursier. Les entreprises de livraison express ne sont pas disposées à assumer les coûts de transport du dernier kilomètre, de sorte que les travailleurs portent la responsabilité de tout incident survenant au cours du processus de livraison, même après avoir effectué la livraison.

En 2021, des contrats collectifs ont été signés entre des affiliés du syndicat officiel et des représentants de la direction du secteur professionnel dans quelques rares villes. Le contrat pour le secteur du courrier et colis à Suzhou a fait l’objet d’une publicité pour avoir inclus des normes pour la fixation des tarifs de livraison et d’un salaire minimum, et pour avoir inclus des dispositions sur la sécurité sociale et les congés annuels. « Cela devrait être une bonne chose », a déclaré un coursier de la province du Hebei au « Workers’ Daily » [Note : organe du syndicat officiel ACFTU] à propos des contrats collectifs. Mais il a souligné que les coursiers gagnent plus que le salaire minimum de la région, qui est de 2 400 yuans. Par conséquent, bien que le contrat fixe une norme, il n’améliore pas de manière significative la rémunération des travailleurs.

L’Institut de l’industrie et du commerce de la province du Shaanxi a constaté que les contrats conclus par le biais de négociations collectives par les syndicats du secteur de la livraison express de Xi’an n’étaient que des contrats standards artificiellement créés pour valoriser les syndicats de l’échelon supérieur. Plutôt que de tenir compte de l’opinion des travailleurs, les négociations étaient axées sur la réalisation des objectifs.

Environ 86 % des livreurs interrogés n’était même pas au courant du rôle des syndicats dans la négociation de ce contrat. Un an après les avis directeurs de l’ACFTU en 2021 et quatre ans après la campagne de l’ACTFU visant à améliorer les conditions des “huit principaux groupes”, dont font partie les livreurs, il n’existe toujours pas d’inscription en ligne permettant aux coursiers d’adhérer au syndicat. Sans leur participation, la consultation collective continuera probablement à faire défaut. » (Source : « China Labour Bulletin », 14 novembre)

Communiqué de la Commission Enquête Chine

La Commission Enquête Chine a pris connaissance ce jour de la décision de la commission exécutive de la HKCTU, la confédération syndicale indépendante de Hong Kong, de préparer la dissolution de l’organisation syndicale, décision qui sera soumise à un vote des adhérents le 3 octobre prochain. Cette décision est une mesure de protection des militants syndicaux qui fait suite aux campagnes de calomnies et menaces physiques du pouvoir, accusant la HKCTU d’être « la main noire » des manifestations de masse de 2019 contre le projet de loi d’extradition et de « collusion avec des forces étrangères ».

Après avoir, en début d’année, jeté en prison la présidente de la HKCTU, Carol Ng, et le secrétaire général Lee Cheuk-yan, le pouvoir décide donc aujourd’hui de forcer à la démission les dirigeants syndicaux et la confédération à la dissolution. Cela fait suite à la mise à mort du syndicat des enseignants HKPTU le mois dernier, un syndicat de 95000 membres affilié à la HKCTU et présage de nouvelles attaques contre le mouvement syndical, par exemple contre le HAEA, syndicat du personnel hospitalier, aujourd’hui accusé de violer la loi. 

Ainsi, cette confédération syndicale indépendante du pouvoir, hier forte d’une centaine de syndicats et de 145 000 syndiqués, se voit contrainte par un pouvoir dirigé et monopolisé par le Parti communiste chinois de renoncer à défendre les revendications et les droits des travailleurs. 

La Commission Enquête Chine, qui a placé la solidarité ouvrière internationale au cœur de son activité depuis trente ans, considérant que « le droit des travailleurs à l’organisation indépendante ne connaît pas de frontières », condamne ces attaques contre les syndicats indépendants et les organisations de défense des droits ouvriers. Ainsi, l’AMRC, une organisation régionale d’information sur la condition ouvrière basée à Hong Kong, se voit aussi contrainte de quitter cette ville. Des dizaines d’organisations et de syndicats d’Asie lui ont apporté immédiatement leur soutien dans une déclaration, à laquelle s’est jointe la Commission Enquête Chine.

C’est l’AMRC qui, en 1994, a mené campagne pour faire connaître les conditions de travail des ouvrières du jouet en Chine dictées par les patrons de Hong Kong dans la zone économique spéciale de Shenzhen, là où 87 jeunes ouvrières avaient perdu la vie une nuit de 1993 dans l’incendie de l’usine-dortoir-entrepôt, portes cadenassées de l’extérieur et barreaux aux fenêtres. Et ce sont les mêmes qui hier avaient protégé les patrons à Shenzhen qui condamnent aujourd’hui la HKCTU et l’AMRC à Hong Kong.

En tout état de cause, ce pouvoir ne pourra empêcher que les livreurs de repas, les travailleurs de Hong Kong et d’ailleurs en Chine manifestent pour leurs revendications, comme il ne pourra empêcher la commémoration du massacre des travailleurs et de la jeunesse à Tian Anmen en 1989 que la HKCTU assurait depuis par une veillée aux chandelles.
La Commission Enquête Chine en appelle à nouveau aux dirigeants du mouvement ouvrier international : il est de votre devoir impérieux de condamner avec force ces attaques contre le mouvement ouvrier chinois et d’exiger la libération des syndicalistes de la HKCTU emprisonnés, ainsi que le respect du droit imprescriptible de former librement des syndicats. J. Wong, qui préside encore la HKCTU, l’a dit hier : « Le mouvements ouvrier a toujours mis l’accent sur la solidarité internationale. La coopération ou les rapports de la HKCTU avec des syndicats dans d’autres régions est naturelle et justifiée, le gouvernement n’a jamais dit au cours des trente dernières années que cela violait les lois ».

20 septembre 2021

Statement of the China Inquiry Commission

The China Inquiry Commission today was informed of the decision of the Executive Committee of the HKCTU, the independent trade unions confederation in Hong Kong, to prepare the disbanding of the union organization, which will be put to a membership vote on October 3. The decision is a measure to protect union activists and follows smear campaigns and physical threats from the government, accusing the HKCTU of being the « black hand » behind the 2019 mass protests against the extradition bill and of « colluding with foreign forces ».

After throwing HKCTU chairwoman Carol Ng and general secretary Lee Cheuk-yan into jail earlier this year, the government is now forcing the union leaders to resign and the confederation to dissolve. This follows the suppression of the HKPTU teachers’ union last month, a 95,000-member union affiliated to the HKCTU, and presages further attacks on the trade union movement, for example on the HAEA, the hospital staff union, which is now accused of violating the law. 

Thus, this trade union confederation, independent of the government, which was once strong with a hundred or so unions and 145,000 members, is being forced by a government led and monopolized by the Chinese Communist Party to give up defending the demands and rights of workers. 

The China Inquiry Commission, which has placed international workers’ solidarity at the heart of its activities for thirty years, considering that « the right of workers to independent organization knows no borders », condemns these attacks on independent unions and organizations defending workers’ rights. For example, the AMRC, a regional labour information organization based in Hong Kong, was also forced to leave the city. Dozens of organizations and unions in Asia immediately gave their support in a statement, which was endorsed by the China Inquiry Commission.

The AMRC led in 1994 a campaign to expose the working conditions of China’s toy workers as dictated by Hong Kong bosses in the Shenzhen Special Economic Zone, where 87 young female workers lost their lives one night in 1993 when the factory-dormitory-warehouse burned down, with the doors padlocked from the outside and the windows barred. And it is the same people who yesterday protected the bosses in Shenzhen who today condemn the HKCTU and the AMRC in Hong Kong.

Anyway, this power will not be able to prevent the food delivery workers, the workers of Hong Kong and elsewhere in China from demonstrating for their demands, just as it will not be able to prevent the commemoration of the massacre of workers and youth in Tian Anmen in 1989 that the HKCTU has been holding since then with a candlelight vigil.

The China Inquiry Commission urges again the leaders of the international labour movement: it is your imperative duty to strongly condemn these attacks on the Chinese labour movement and to demand the release of the imprisoned HKCTU trade unionists, as well as the respect of the imprescriptible right to freely form trade unions. J. Wong, who still chairs the HKCTU, said yesterday: “Workers’ movements always stressed international solidarity. The HKCTU cooperating or connecting with unions in other regions is natural and justifiable, the government never said in the past 30 years that this is in violation of any laws,” said Wong.

September 20, 2021

Hong Kong : la mise à mort du syndicat des enseignants et l’offensive contre le syndicalisme indépendant 

Le 30 juillet, Le Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois (PCC), qualifiait le syndicat des enseignants de Hong Kong (HKPTU) de « tumeur maligne » qu’il faut « éliminer ». Dès le lendemain, le Bureau de l’Éducation du gouvernement de Hong Kong déclare qu’il ne reconnaît plus le HKPTU comme syndicat, un syndicat qui est né en 1983  sous le régime colonial britannique, l’accusant de diffuser de la propagande politique. Ce syndicat de 95000 membres, affilié à la HKCTU, la confédération syndicale indépendante de cette Région administrative spéciale de la République populaire de Chine, organise 90% des enseignants de la ville.

Le gouvernement de Hong Kong, aux ordres du régime de Pékin, avait en début d’année fait arrêter et jeter en prison Carol Ng, la présidente de la confédération HKCTU, puis le secrétaire général Lee Cheukyan pour leur participation aux manifestations monstres contre le projet de loi d’extradition et les violences policières en 2019 et 2020. Après l’adoption de la loi liberticide dite de sécurité nationale à l’été 2020, la chasse aux sorcières est désormais ouverte, et après les syndicalistes, ce sont les syndicats qui ne font pas allégeance qui sont la cible du pouvoir.

Ainsi, le syndicat des enseignants, soumis à « une énorme pression » selon les propos de son président, s’est vu contraindre de rompre ses liens avec l’Internationale de l’éducation et avec la confédération HKCTU dans l’espoir de ne plus encourir les foudres du pouvoir

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Conférence de presse de la HKFTU le 10 août 2021


Mais cela n’a pas suffi : le 9 août, la direction du HKPTU s’est résolue à prononcer la dissolution du syndicat. « Nous vous prions sincèrement de comprendre et d’accepter cette décision difficile, dans une situation que nous n’avons pas souhaitée et où nous n’avions aucun choix », a écrit le président dans une lettre aux syndiqués.

Et ce n’est pas fini ! Le 11 août, Le Quotidien du peuple a réitéré ses menaces contre ce syndicat en déclarant que cette dissolution « n’effacera pas ses crimes présumés du passé ». Puis le 13 août, Wen Wei Po, un quotidien proche du pouvoir, s’en prend violemment au syndicat de journalistes HKJA : « Le HKJA protège la violence et permet les rumeurs, cet abandon de l’éthique devrait être contrôlé ».

Le pouvoir tente d’étouffer les libertés d’expression, d’organisation et de manifestation qui subsistent à Hong Kong pour soumettre les travailleurs, qu’ils soient de Hong Kong ou du continent. 

Il est urgent que le mouvement ouvrier et, en premier lieu, les dirigeants du mouvement syndical à l’échelle internationale comme nationale disent enfin haut et fort leur condamnation de ces actes contre le syndicalisme et les syndicalistes à Hong Kong et organisent une campagne à la hauteur de l’enjeu. Fidèle au combat qu’elle mène depuis 1989 pour la défense des droits ouvriers en Chine, la Commission Enquête Chine continuera pour sa part son travail d’information et de mobilisation.

Bas les pattes devant la HKCTU et les syndicats de Hong Kong !

Libération de Carol Ng, Lee Cheukyan 

et de tous les syndicalistes emprisonnés !

A nos frères et sœurs chinois

Vive le 1er mai !

Vive la solidarité internationale des travailleurs !

Nous sommes des jeunes et des travailleurs, des syndicalistes de France. Nous vous adressons notre salut fraternel, en ce 1er mai  journée internationale de lutte des travailleurs. 

Dans notre pays, un travailleur sur deux dans le secteur privé, est au chômage, total ou partiel. 40 % de ces chômeurs ne touche aucune indemnité de compensation. 

Le gouvernement capitaliste veut encore réduire de 30 ou 50 % les indemnités des chômeurs qui en touche une ! Il veut démolir notre système de retraite. 

On compte déjà plus de 100 000 morts du Covid et le gouvernement continue à fermer des lits dans les hôpitaux, il refuse de réquisitionner les multinationale de l’industrie pharmaceutique, ce qui permettrait de produire en masse des vaccins.

Il sacrifie l’éducation et on voit des files d’étudiants devant les centres de distribution alimentaire ! 

Frères et sœurs chinois,

Les travailleurs français viennent de fêter le 150e anniversaire de la Commune de Paris, premier gouvernement des travailleurs par les travailleurs de l’histoire.

Ils veulent vivre. Ils luttent. Une vague de grèves ouvrières déferle aux quatre coins du pays. Dans de nombreuses villes, la population manifeste contre les fermetures d’usine.

Frères et sœurs chinois,

Nous sommes fidèles à la tradition du mouvement ouvrier. Nous avons reçu des messages témoignant de vos combats et nous connaissons vos difficultés. Vous devez savoir que dans notre pays, comme partout, les libertés sont attaquées. Pourtant, le droit des travailleurs à l’organisation indépendante doit être un droit qui ne connaît pas de frontières. 

La résistance ouvrière est non seulement légitime, elle est indispensable pour résister à l’exploitation, pour défendre les droits collectifs. Les travailleurs ont le droit de s’organiser comme bon leur semble pour leur émancipation. 

Depuis plus de vingt ans, nous rapportons vos combats au mouvement ouvrier français. Ecrivez-nous, relatez-nous vos combats et nous continuerons d’informer.

Vive la solidarité ouvrière internationale !

Alain Denizo, Solidarité ouvrière Chine

Ghislaine Delvert, infirmière hôpitaux

Yasmine Fqihi, ouvrière blanchisserie hôpitaux

Julie Faurel, institutrice

Jean-François Paty, syndicaliste postier

Marie-Christine Arribart, syndicaliste commerce

Marc Mouhanna, professeur

Caroline Tacchella, cheminots

Manu Carrier, professeur

Florent Caron, syndicaliste énergie

Thierry Auger, ouvrier du bâtiment

Esther Vouillot, aide-soignante hôpital public

Véronique Ducandas, syndicaliste industrie

Jérémie Daire, étudiant

Olivier Doriane, journal ouvrier

Stéphanie Boudet, inspection du travail

Doriane Collin, syndicaliste Pôle emploi

Jean-Paul Villette, métallurgiste

Alexandre Herzog, employé territorial

 

給中國弟兄姊妹們,

五一勞動節萬歲!

國際工人大團結萬歲!

我們是來自法國的年輕人及工會份子。

我們在這個五月一日國際勞工抗爭的日子向你們致以親切的祝福。

在我們國內,私營企業里每兩個工人有一個失業或半失業。失業者中有四成人拿不到津貼。資本主義政府還打算把失業救助金減去三或五成!他們打算摧毀我們的退休金。

已經有超過十萬人死於新冠肺炎而當局繼續關閉病床與及拒絕徵用跨國醫藥公司去大規模生產藥苗。他們犧牲教育以致我們見到學生要去食物銀行排隊!

中國的弟兄姊妹們, 

法國工人剛慶祝巴黎公社150周年,那是歷史上首次由工人掌權的政府。

他們要活下去。他們正在抗爭。工人罷工浪潮席捲全國。

在很多城市,人民抗議工廠倒閉。

中國的弟兄姊妹們,

我們對工人運動的傳統有伩心。我們收到有關你們抗爭的伩息,與及你們的困難處境。你們應該知道正如其他地方一樣基本自由被壓制。但是工人的結社自由是無國界的。

工人的反抗不単只是合法,也是對抗剝削和保衛集體權益不可或缺的手段。工人在解放中可採用種種方法組織起來。

在過去二十多年來我們一直向法國工運報導你們的抗爭。

請寫伩給我們,有關你們的抗爭而我們亦會繼續知會我方。

國際工人大團結萬歲!

Alain Denizo, 团结中国工人协会

Ghislaine Delvert, 护士

Yasmine Fqihi, 后勤

Julie Faurel, 小学教师

Jean-François Paty, 邮局工会代表

Marie-Christine Arribart, 商业工会代表

Marc Mouhanna, 高中教师

Caroline Tacchella, 铁路工人

Manu Carrier, 高中教师

Florent Caron, 电工工会代表

Thierry Auger, 建筑工人

Esther Vouillot, 护士

Véronique Ducandas, 医药工业工会代表

Jérémie Daire, 大学生

Olivier Doriane, 工人报记者

Stéphanie Boudet, 劳动巡视员

Doriane Collin, 失业局工会代表

Jean-Paul Villette, 机械工人

Alexandre Herzog, 职员

Contact:comenchine@wanadoo.fr

Le syndicaliste Lee Cheuk-yan et le délégué Chen Guojiang, des défenseurs des droits ouvriers sous les verrous !

– Après Carol Ng, la présidente de la confédération syndicale indépendante de Hong Kong HKCTU en prison depuis le 28 février dans l’attente de son procès qui doit reprendre fin mai, c’est au tour de Lee Cheuk-yan, le secrétaire général de la HKCTU, de se retrouver derrière les barreaux ! Il vient en effet d’être condamné vendredi 16 avril 2021 à 14 mois de prison pour avoir exercé son droit légitime à organiser rassemblements et manifestations pour exiger l’abandon d’un projet de loi d’extradition jugé liberticide. Lee Cheuk-yan a écopé de 12 mois pour la manifestation de 1,7 million de Hongkongais sous une pluie battante le 18 août 2019 et de 6 mois pour une autre manifestation le 31 août (14 mois avec confusion des deux peines).

La juge britannique Amanda Woodcock a annoncé également des peines de prison pour des personnalités d’opinions diverses : l’ancien député de la Ligue sociale-démocrate Leung Kwok-hung (18 mois); le patron de presse Jimmy Lai (14 mois); Au Nok-hin (10 mois); Cyd Ho (8 mois). Des peines avec sursis ont également été prononcées à l’encontre notamment de trois avocats réputés : Martin Lee,  Margaret Ng et Albert Ho.

Chen Guojiang est en détention depuis son arrestation à Pékin le 25 février. Il est le fondateur de l’Alliance des livreurs, une organisation de secours mutuel, d’entraide, de défense des droits des livreurs de repas, surexploités par de puissantes compagnies privées. Il est accusé de « semer la discorde et provoquer de l’agitation » et risque des années de prison.

La Commission Enquête Chine, qui depuis trente ans informe de la situation du mouvement ouvrier chinois et des activités des défenseurs des droits ouvriers, constate que le pouvoir à Hong Kong comme à Pékin s’attaque aux militants qui défendent les droits des travailleurs. Alors que la crise économique et sanitaire a servi de prétexte à des licenciements massifs à Hong Kong comme sur le continent, les travailleurs ont plus que jamais besoin d’être défendus, de délégués et de syndicats qui puissent agir en toute indépendance des employeurs et du pouvoir.

Il est de la responsabilité des dirigeants du mouvement ouvrier international de tout mettre en œuvre pour la libération des syndicalistes chinois.

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